Insomnie Chronique
C’est une insomnie qui survient plus de 3 fois par semaine et depuis plus de 3 mois. Son retentissement sur la forme du lendemain a des conséquences socio-professionnelles néfastes. Répétée nuit après nuit, elle fragilise la résistance de la personne vis-à-vis du stress et des agressions de la vie de tous les jours.
Fréquence :
20 à 30 % de la population souffre d’insomnie chronique et 10% ont une insomnie sévère.
Causes :
INSOMNIE AVEC COMORBIDITE
- Essentiellement psychologiques ou psychiatriques, avec au premier plan l’anxiété et la dépression. Dans ces cas-là, l’insomnie accentue la détresse psychologique, entraînant un véritable cercle vicieux dont on a du mal à sortir. Le stress est également un grand pourvoyeur d’insomnies.
- Les conditions liées à l’environnement ou au mode de vie sont également impliquées dans ces insomnies.
- Des maladies du sommeil sont responsables d’insomnie comme le syndrome des jambes sans repos ou le syndrome d’apnées du sommeil.
Toutes ces formes d’insomnie étaient dites “secondaires” car on peut identifier une cause psychique ou physique. Actuellement on parle d’insomnie comorbide.
INSOMNIE SANS COMORBDITE
Il existe aussi une insomnie dite “primaire” car on ne trouve pas, ou plus, de cause pouvant l’expliquer. Il s’agit de l’insomnie psychophysiologique. C’est une insomnie qui évolue pour son propre compte et qui s’auto-entretient en raison du comportement et des pensées de l’insomniaque.
La répétition d’une situation éveillante :
Imaginez que toutes les nuits, et plusieurs fois par nuit, quelqu’un (ou quelque chose) vous empêche de dormir ou vient vous réveiller pendant votre sommeil.
Lorsque la situation qui provoque cet éveil est anxiogène et se reproduit d’une manière répétitive, on aboutit au bout d’un certain temps à un endormissement difficile ou à un éveil qui se produit sans raison apparente.
En réalité, il est sous-tendu par des mécanismes subtils de conditionnement. Quand vous êtes confronté à une situation répétitive, votre cerveau « sait » que vous allez être réveillé, et il anticipe cet éveil. Ainsi quand vous vous couchez, le signal de sommeil a été remplacé par un signal d’éveil.
C’est une situation beaucoup plus courante qu’on ne le pense. C’est le cas des conjoints ou enfants qui s’occupent d’un parent très malade qui a besoin de soins au cours de la nuit. C’est le cas des mamans qui ont des enfants qui se réveillent toutes les nuits pendant de longs mois. C’est aussi le cas de certaines situations traumatiques.
Attention aux mauvaises habitudes !
Parfois c’est la personne elle-même qui désorganise son sommeil, par ignorance des mécanismes du sommeil ou par négligence.
Le sommeil obéit à des règles d’installation et d’organisation qui dépendent beaucoup du comportement de la personne. Ainsi en conditions normales, le besoin de sommeil n’est pas suffisamment important pour que le sommeil s’installe quelles que soient les circonstances.
Cette condition ne serait réalisée qu’au bout d’une privation complète de sommeil de près de 3 jours. Elle reste donc exceptionnelle. Beaucoup plus couramment on constate l’inverse : le corps donne des signaux de sommeil que la personne ignore car elle fait quelque chose qui stimule ses systèmes d’éveil.
C’est ce qu’il se passe lorsque vous sortez le soir tard, bien au-delà de votre heure de coucher, ou quand vous travaillez la nuit, ou encore lorsque vous devez faire face à un problème à régler en urgence. Si vous fonctionnez régulièrement à contretemps et que vous n’écoutez pas les signaux de sommeil que vous adresse votre organisme, vous risquez fort de rencontrer des difficultés d’endormissement.
D’autres personnes ne font pas attention à leur sommeil. Pour elles, dormir n’est pas une priorité, c’est une perte de temps. Il y a toujours mieux à faire que d’aller se coucher. Moyennant quoi leur rythme de vie est irrégulier, elles rentrent tard dans la soirée, font de nombreuses activités avant d’aller se coucher, passent des heures sur leur ordinateur… et s’étonnent de ne pas s’endormir sur le champ !
Il y a des règles à respecter pour dormir correctement. En particulier le coucher se prépare en privilégiant les activités de détente, calmes et agréables, pour favoriser la baisse progressive des systèmes d’éveil et la mise en route des systèmes de sommeil.
Un terrain particulier :
Lorsque l’on est d’un naturel anxieux, les pensées sont fréquentes au coucher.
Cette incapacité « à arrêter la machine », comme disent certains patients, relance les systèmes d’éveils.
Parfois ce sont des pensées banales : liste des achats à prévoir, lettre à faire pour la maîtresse du petit dernier, réunion à préparer…
Mais ce peut être une angoisse pathologique : peur de mourir au cours du sommeil, peur d’être agressé en dormant. Quelle qu’en soit la cause, l’anxiété ou l’angoisse est éveillante.
Les mécanismes qui sous-tendent l’éveil et l’anxiété sont de même nature. Il est donc impossible de s’endormir quand on est angoissé. On comprend pourquoi ces situations conduisent souvent à une consommation excessive de médicaments. Seules de fortes doses d’anxiolytiques ou d’hypnotiques peuvent faire taire cette angoisse pour s’endormir enfin. Malheureusement cet effet est transitoire, c’est pourquoi d’autres thérapeutiques sont souvent nécessaires.
L’âge est à prendre en compte dans l’apparition d’une insomnie.
Naturellement le sommeil se fragilise avec l’âge. Il devient plus léger, plus fractionné, entrecoupé d’éveils qui peuvent atteindre physiologiquement une heure au cours de la nuit à partir de 50 ans.
L’insomnie apparaît principalement entre 20 et 30 ans. C’est l’âge de l’entrée dans la vie, des choix professionnels, des concours à passer, de l’arrivée des premiers enfants. Toutes choses qui accroissent la responsabilité de l’individu et sont source de tensions ou d’anxiété.
Après la cinquantaine, le nombre d’insomniaques augmente encore. C’est la période de la vie où la fréquence des maladies augmente. L’entrée dans la maladie est inquiétante en soi, mais elle est également source de douleurs ou de désagréments, et parfois d’un véritable handicap.
Les femmes sont toujours plus insomniaques que les hommes avec un rapport de deux femmes pour un homme. Ces différences apparaissent dès la puberté.
Une étude ayant trouvé que les plaintes devenaient identiques chez les personnes âgées, quel qu’en soit le sexe, il était tentant de penser que les hormones sexuelles étaient directement impliquées dans ces différences. Néanmoins, d’autres études continuent à trouver plus de femmes âgées insomniaques que d’hommes. Donc les hormones n’expliquent pas tout !
- Le diagnostic d’insomnie passe tout d’abord par interrogatoire du patient et si possible du conjoint. Il est complété par un agenda du sommeil, éventuellement associé à une actimétrie.
Par contre, il n’est pas toujours nécessaire de faire un enregistrement du sommeil (polysomnographie) pour « prouver » que le sommeil est mauvais. D’ailleurs ces enregistrements, lorsqu’ils sont faits, sont assez décevants car la structure du sommeil d’un insomniaque est souvent semblable à celle d’un bon dormeur. Le bon dormeur perçoit avant tout la continuité de son sommeil alors que le mauvais dormeur ne perçoit que les éveils. Néanmoins, d’autres insomniaques ont des nuits très hachées, et l’enregistrement ne fait qu’objectiver les éveils ressentis.
Une polysomnographie est indiquée en cas :
- de suspicion d’une cause ”organique“ : syndrome des jambes sans repos, mouvements périodiques nocturnes ou syndrome d’apnées du sommeil,
- d’une insomnie sévère sans cause évidente et résistante aux traitements
Agenda du sommeil
C’est un outil indispensable pour l’étude de votre sommeil. ll se remplit sur 3 semaines.
Il permet de :
- noter énormément d’informations sur la qualité du sommeil, la qualité du réveil, la forme dans la journée, l’existence de sieste ou non.
- repérer facilement votre rythme de sommeil et de visualiser les difficultés rencontrées.
- Visualiser, en cas d’insomnie, la qualité du sommeil et la progression de cette dernière sous traitement ou lors du sevrage des hypnotiques.
L’actimétrie
C’est un examen du rythme veille-sommeil qui est réalisé grâce à un actimètre.
L’actimètre est un petit appareil de la taille d’une montre qui se porte au poignet non dominant.
Il permet de visualiser les moments d’activités et les moments de repos ainsi et d’avoir une bonne représentation du rythme veille-sommeil et de la qualité de la nuit.
Cet examen se fait en ambulatoire, le plus souvent sur une durée de 15 jours, et vient en complément de la consultation et de l’agenda du sommeil pour apporter des informations sur la qualité de votre sommeil et de son organisation sur 24 heures.
Actimétrie d’un patient souffrant d’une insomnie.
Les traits noirs représentent les moments où la personne est en activité/ en mouvement.
La zone bleue représente le temps que le sujet a passé au lit. Sur cette actimétrie on peut remarquer l’irrégularité des horaires de lever et de coucher et les nombreux réveils (représentés par les R) de cette personne entraînant une fragmentation de son sommeil.
RETROUVER LE SOMMEIL – QUE FAIRE DEVANT UNE INSOMNIE ?
Face à une insomnie, qu’elle soit récente ou ancienne, l’objectif des prises en charge proposées est de retrouver le signal déclencheur du sommeil, de favoriser les facteurs naturels permettant un bon sommeil mais aussi d’apprendre à mieux supporter l’insomnie.
Quelques conseils d’hygiène de sommeil pour améliorer son sommeil :
- Maintenir des horaires de lever réguliers, même le weekend
- Penser aux effets de la lumière sur l’horloge biologique : tablettes, ordinateurs et téléphones portables utilisés en soirée retardent l’endormissement.
- Savoir que tout ce qui augmente la température corporelle le soir peut avoir des conséquences sur l’endormissement et le maintien du sommeil : activité sportive après 19h, bain trop chaud, repas copieux le soir
- Dormir dans une chambre aérée, dont la température ambiante se situe entre 18 et 20 degrés
- Réserver la chambre au sommeil et à l’activité sexuelle en évitant de regarder la télé au lit, de travailler ou de manger au lit.
- Favoriser les activités relaxantes le soir : lecture, musique, télé.
- Éviter les excitants, café, thé, vitamine C, sodas au cola…
- Éviter l’alcool au dîner.
PRISE EN CHARGE NON MEDICAMENTEUSE DE L’INSOMNIE
Se fait avec un praticien formé.
Fait appel à des techniques comportementales et cognitives (recommandé par la haute autorité de santé française) qui sont proposées soit dans une approche individuelle, soit, de plus en plus, quand c’est possible, en groupe, sous forme d’un programme pré-établi.
Elle est indispensable quelle que soit la cause de l’insomnie. Son efficacité se maintient dans le long terme dans 85% des cas.
Technique de restriction du temps passé au lit (TRTPL) et du contrôle du stimulus
L’insomnie incite à changer ses habitudes en croyant (ou en pensant) que passer beaucoup plus de temps dans son lit que la durée réelle de sommeil augmente les chances de dormir. Ce comportement, en réalité, a tendance à entretenir l’insomnie plutôt qu’à l’améliorer car l’organisme finit par ne plus associer le fait de se coucher dans son lit à celui de dormir. C’est pourquoi il peut être plus facile de s’endormir le soir sur son canapé que dans son propre lit.
La TRTPL consiste à ramener le temps passé au lit au temps réel de sommeil. Il s’agit donc d’une RESTRICTION DU TEMPS DE SOMMEIL VOLONTAIRE. L’objectif est d’augmenter la pression de sommeil (lien avec homéostasie du sommeil), indispensable pour un endormissement rapide et un sommeil continu, mais aussi de permettre à nouveau un conditionnement positif entre le fait d’être dans son lit et de trouver le sommeil (on appelle cela le contrôle du stimulus).
Il est important de bien respecter ces horaires pendant suffisamment de jours pour que la privation partielle de sommeil permette de mobiliser les facteurs de sommeil endogènes : il faut en général de 3 à 6 semaines continues pour ressentir une amélioration. Respecter les horaires d’une manière scrupuleuse est très important pour que la méthode marche. Le pire est de le faire par intermittence, car la personne a l’impression de faire des efforts monstrueux alors que les effets positifs ne se font pas sentir, ce qui est très décourageant.
Dès que la personne reprend confiance dans son sommeil, elle va se coucher en n’ayant plus la peur de ne pas dormir. C’est le début du cercle vertueux qui aidera l’insomniaque à dédramatiser et sortir de l’insomnie.
La prise en charge psychologique :
L’insomnie quand elle dure, entraîne une anxiété centrée sur le sommeil et sur ses répercussions dans la journée (fatigue, somnolence, baisse de la vigilance et de la concentration…)
Il est important de prendre conscience de cette anxiété, de sorte que celle-ci ne devienne pas un facteur d’entretien et n’amène pas à majorer les conséquences de l’insomnie ou à se faire des idées fausses.
La relaxation :
Elle permet de travailler sur le lâcher-prise.
Le travail sur la respiration empêche les pensées de divaguer et permet ainsi de focaliser son attention sur autre chose que les pensées négatives autour de l’insomnie.
Elle permet aussi de créer un espace transitionnel entre les tumultes de la journée et la nuit.
Il n’y a pas de somnifère idéal et tous les médicaments ont des inconvénients lorsqu’ils sont utilisés sur de longues durées.
Les benzodiazépines ou les molécules apparentées que sont la zopiclone (Imovane®) ou le zolpidem (Stilnox®) sont les produits les plus prescrits. Viennent ensuite des anti-histaminiques (Théralène®,Donormyl®…) (molécules plus connues pour le traitement des allergies). Chaque personne réagit différemment à tel ou tel produit, et il est impossible sans essai préalable de savoir quel médicament sera efficace et confortable pour une personne donnée.
Les somnifères sont des produits qui ont leur place dans la prise en charge de l’insomnie mais il faut faire attention à ne pas développer une accoutumance et une dépendance. Il est ainsi important de limiter leur usage dans le temps ; soit en les utilisant sur une courte période de 15 jours à 3 semaines, soit en discontinue 2 à 3 fois par semaine en fonction des moments repérés comme favorisant l’insomnie (par exemple l’insomnie du dimanche soir, ou celle qui précède ou suit une journée riche en stress…).
Les indications de choix des somnifères sont les insomnies occasionnelles ou transitoires, mais ce sont rarement elle qui posent problème ! Ce sont les autres, celles qui vont durer des mois, parfois des années pour lesquelles la question se pose.
Le somnifère peut avoir un intérêt pour passer un cap difficile ; lorsque la situation de vie est particulièrement intolérable ou lorsqu’il y a une anxiété trop importante. L’anxiété agit comme un équivalent d’éveil ; tant qu’elle est présente, la personne ne peut pas dormir. Mais l’anxiété peut s’intégrer dans un contexte pathologique particulier : trouble de la personnalité, trouble psychotique ou dépression. Il ne s’agit alors plus d’une insomnie simple mais d’une insomnie psychiatrique.
Les antidépresseurs sont également efficaces dans l’insomnie. Les doses efficaces sont bien moindres que celles utilisées dans la dépression. De plus prescrits dans cette indication, ils diminuent la latence du sommeil et augmentent la continuité du sommeil, et parfois, augmentent le sommeil profond. Ils peuvent aussi avoir des inconvénients, surtout en début de traitement en entraînant une somnolence diurne, mais celle-ci est habituellement transitoire. Les antidépresseurs sérotoninergiques sont à éviter chez la femme enceinte.
La mélatonine n’a pas d’indication dans l’insomnie courante, sauf quand il existe des troubles du rythme veille sommeil associés, ou chez les personnes âgées pour lesquelles les rythmes du sommeil sont souvent mal structurés.
En ce qui concerne la phytothérapie, seule la valériane a été étudiée et a montré son efficacité sur la continuité du sommeil et l’augmentation du sommeil profond.